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21 décembre 2015 1 21 /12 /décembre /2015 15:39

«Raconte-moi notre histoire.»

Léonor

Chapitre I

- Grand-mère Léo, dis-moi que ce n’est pas fini.

Léonor resta secrète.

Emmitouflée dans sa couverture de laine, elle se redressa pour rassembler les braises au centre de la cheminée. Dans la forge, il faisait froid, c’était l’hiver, c’était aussi la première fois que sa petite fille venait lui rendre visite. Elle devait tout lui dire, tout lui raconter depuis le début. Avant de lui parler d’elle, Léonor devait lui parler de Nell, cette vieille amie qu’elle s’était permise d’incarner le temps de conter son histoire. Nell faisait partie de sa vie et ses aventures avaient captivé sa petite fille Luce.

Léonor répondit :

- Non.

- Alors elle est morte ? Demanda Luce désespérée.

Luce perdait une amie.

Les mains crochetées sur les accotoirs de son fauteuil, elle ne voulait pas laisser partir Nell.

- Non, ce n’est pas fini, corrigea Léonor. L’histoire n’est pas finie.

Léonor voulait savoir pourquoi Nell était si importante aux yeux de sa petite fille et pour cela, elle jouait avec ses émotions pour l’obliger à dévoiler son jeu. Pourquoi Luce était-elle venue la voir ? Elle ne parvenait pas à se dire que ce ne fut que pour l’histoire ou pour elle. Léonor était une vieille dame que ses pressentiments ne trompaient plus.

- Alors elle n’est pas morte ?

L’espoir revînt dans les yeux bleu marine de Luce.

- Si, confirma la vieille femme.

L’espoir s’enfuit encore.

- Elle est morte, se résigna Luce.

La petite semblait avoir placé beaucoup d’espoirs en Nell, et c’est-ce qu’avait voulu voir Léonor. Elle ne retint pas plus longtemps ce farouche espoir, elle savait ce qu’elle voulait savoir.

- Elle est morte l’espace d’un instant.

Luce était soulagée à cette nouvelle, mais plus intriguée encore.

Elle sentit que sa grand-mère avait lu en elle, mais la curiosité était trop grande pour faire marche arrière.

- Que s’est-il passé ?

- Que manque-t-il à cette histoire ? Éluda sa grand-mère.

- Une fin heureuse, ironisa Luce.

- Cherche bien.

- Ses amies l’ont sauvée, une sirène l’a ramenée à la surface, énuméra-t-elle.

- Cherche mieux.

- Il manque le quatrième pouvoir, réalisa Luce.

- Qui est ?

- L’Eau.

- Le mieux n’est pas toujours l’ennemi du bien, signa Léonor.

“L’ennemi du bien”, cette expression eut un écho troublant pour Luce.

OOOO

Loin, dans les profondeurs du lac, les rayons de la lune ne sont plus visibles. Le froid est plus prenant. Maintenant, mes lèvres sont sûrement d’une belle teinte bleutée. Hésitantes, elles s’entrouvrent. Décidées, elles laissent l’eau entrer.

Nell s’agite sous le stress de la noyade, elle lutte, elle s‘abandonne, l’espace flou devient net : il se précise dans ses formes, ses couleurs et dans ses êtres. Quelques poissons nagent autour, indifférents. De nouveau, la lune est visible, trop lumineuse, trop présente. L’eau n’entre plus, pas parce que son corps est noyé, mais parce que sa gorge s’est modifiée. Elle est l’eau qui entre, elle est l’eau qui sort de manière rythmée. Le dernier pouvoir, le pouvoir de l’Eau est là pour l‘emmener plus profondément. Une onde se dégage violemment de son buste provoquant sur son être des spasmes. Nell se rassemble en position fœtale quand une seconde onde se libère, l‘obligeant à s‘ouvrir. Sa peau, puis sa chair, ses os se dissolvent. Elle est devenue eau, elle est larmes.

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